Je n’avais jamais quitté l’Europe, mais ça commençait à me démanger. Lorsque j’ai touché un petit héritage en 2018, j’ai rapidement organisé un congé sabbatique et préparé un beau voyage. Début 2019, muni d’un visa de deux mois, j’atterrissais à Mumbai, où je passai une semaine avant de rejoindre Goa en train. Là, je louais une Royal Enfield Bullet 500 et pris la route en direction du Sud.
Assez rapidement, le Guide du Routard que j’avais emporté me servit surtout à éviter les lieux touristiques, et je m’immergeais dans ce pays fascinant, captivé par toutes les nouveautés qu’il offrait à mes yeux, mes oreilles, mon nez, mon palais et mon esprit d’Européen. Une civilisation immense, plusieurs fois millénaire et fondamentalement différente de la mienne, évoluait sur un territoire où chaque arbre, chaque oiseau, chaque vache me semblait absolument exotique et intrigant.
Mon périple à travers le Kerala et le Karnataka m’a amené à rencontrer de nombreux Indiens. Ils se sont toujours comportés avec une courtoisie et une gentillesse sincères ; ils étaient vraiment amicaux. Ils avaient aussi ce petit truc en plus, aujourd’hui si rare en Europe : une forme d’élégance, une classe, un style dans leur apparence, leurs vêtements, leur comportement et finalement, même dans leur manière de penser.
Une nuit, alors que nous roulions à moto sur des routes sans éclairage public, mon ami Lénine de Varkala m’a conseillé de faire attention aux animaux noirs : aux vaches noires, aux chiens noirs, forcément difficiles à repérer dans l’obscurité. Il m’a raconté qu’un jour, il s’était sérieusement blessé avec sa moto en essayant d’éviter un chien noir qui avait surgi sur la route. Il a ajouté : « Heureusement, le chien n’a rien eu... »
© Cédric Vincensini